L'approbation des comptes : un préalable obligatoire au recouvrement accéléré des charges de copropriété

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15/12/2025
Civil - Bien et patrimoine
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Le droit de la copropriété repose sur un équilibre rigoureux entre la nécessité pour le syndicat de disposer de fonds et la protection des droits des copropriétaires. Au cœur de cet équilibre, l’article 19-2 de la loi du 10 juillet 1965 offre un outil juridique puissant : la procédure accélérée au fond. Cette voie permet d’obtenir rapidement le paiement des provisions budgétaires impayées. Cependant, la Cour de cassation vient de préciser les limites de cette action dans un arrêt récent, rappelant que l’approbation des comptes constitue une étape incontournable pour les exercices passés.

Dans cette affaire, un syndicat des copropriétaires avait assigné des copropriétaires pour obtenir le paiement de sommes dues au titre d'exercices précédents. Le syndicat invoquait le bénéfice de la procédure de l’article 19-2. La cour d’appel avait initialement accueilli cette demande. Pourtant, la Cour de cassation a censuré cette décision. Elle souligne que les juges d'appel ne pouvaient faire droit à la demande sans vérifier si les comptes des exercices concernés avaient été préalablement approuvés par l'assemblée générale.

Pour mesurer la portée de cette évolution législative, il convient de distinguer deux notions juridiques essentielles. Les provisions sont des sommes versées par anticipation pour financer le budget prévisionnel voté. Elles sont exigibles au premier jour de chaque trimestre. À l'inverse, les charges définitives ne sont fixées qu'après la clôture de l'exercice, une fois que l'assemblée générale a ratifié les dépenses réelles par un vote exprès.

Le législateur a instauré une procédure spécifique pour faciliter le recouvrement de ces fonds. Si un copropriétaire ne règle pas sa provision dans les 30 jours suivant une mise en demeure, toutes les provisions restant dues pour l’année en cours deviennent immédiatement exigibles. Ce dispositif a été étendu par les lois Alur et Elan aux cotisations du fonds travaux et aux arriérés de charges antérieurs.

Toutefois, la Cour de cassation apporte une précision majeure sur le périmètre des sommes recouvrables. Elle juge que cette procédure dérogatoire ne peut s'appliquer aux sommes restant dues au titre d’exercices précédents que si les comptes ont été approuvés. En d'autres termes, le syndicat ne peut pas utiliser la célérité de l’article 19-2 pour réclamer des arriérés de provisions d’anciennes années si la gestion financière de ces années-là n'a pas encore été validée.

Cette interprétation stricte du texte protège le copropriétaire contre des demandes de paiement fondées sur des budgets prévisionnels passés qui n'auraient jamais fait l'objet d'une régularisation. Sans ce verrou, le recouvrement de sommes appelées au titre de dépenses prévisionnelles pourrait s'effectuer en se dispensant de la nécessaire ratification de l’assemblée générale. Cette décision souligne que le caractère dérogatoire de la procédure impose une application limitée aux provisions de l'exercice en cours et aux charges des exercices clos et approuvés.

La rigueur procédurale garantit ainsi la transparence financière au sein de la copropriété. Cette jurisprudence incite les gestionnaires à une tenue régulière des assemblées générales d’approbation des comptes. À défaut, l'efficacité des poursuites judiciaires se trouve considérablement réduite pour les dettes anciennes.