
23/03/2020
Civil - Personnes et familles, Bien et patrimoine
La nationalité française conférée par décret peut être retirée par décret, dans les deux ans à compter de la découverte de la fraude, dès lors que le demandeur a volontairement dissimulé un changement de sa situation.
La requérante demande l’annulation pour excès de pouvoir de ce décret.
Elle soutient que son union relève du droit coutumier libanais et n’a été considérée comme un mariage qu’à compter de son enregistrement par l’état civil libanais le 5 février 2012, donc postérieurement à sa naturalisation. Cette union ne constituait donc pas, selon la requérante, un changement dans sa situation familiale devant être rapporté aux autorités françaises.
Le Conseil d’État ne fait pas la même analyse de la situation que l’intéressée et se fonde sur les dispositions de l'article 21-16 du code civil aux termes duquel " Nul ne peut être naturalisé s'il n'a en France sa résidence au moment de la signature du décret de naturalisation ". Le fait même que la requérante ait procédé à cette union coutumière laisse présumer que sa résidence est au Liban. Elle a choisi de « volontairement » dissimuler sa situation aux autorités françaises alors même qu’elle maîtrise la langue France et avait signé une attestation sur l’honneur. La Haute juridiction considère donc qu’en « rapportant sa naturalisation, dans le délai de deux ans à compter de la découverte de la fraude, le ministre de l'intérieur n'a pas méconnu les dispositions de l'article 27-2 du code civil ».
Le Conseil d’État rappelle que tout ce qui est attaché aux conditions et à la perte de la nationalité relève de la compétence souveraine des États membres de l’UE. Il importe cependant que cette sanction, pour être conforme au droit de l’Union réponde à des « motifs d’intérêt général et doit être proportionnée à la gravité des faits qui la fondent, au délai écoulé depuis l'acquisition de la nationalité et à la possibilité pour l'intéressé de recouvrer une autre nationalité ». Or, en l’espèce, la requérante a volontairement dissimulé des faits afin d’obtenir sa naturalisation. Sans être contraires au droit de l’Union, les dispositions de l’article 27-2 du code civil permettaient donc au ministre de l’Intérieur de retirer la nationalité française à la requérante et par ricochet, à ses deux enfants mineurs.
Enfin, le Conseil d’État précise qu’un décret tel que celui en cause, n’a pas d’incidence sur le droit de séjour de la personne visée ainsi que les membres de sa famille. Il n’affecte donc pas le droit au respect de sa vie familiale. Mais il « affecte un élément constitutif de l’identité de la personne » visée et peut avoir des conséquences sur le droit au respect de sa vie privée. Néanmoins, la Haute juridiction considère que le décret en cause a été pris sur des motifs suffisants et compte tenu de la situation de la requérante et de ses enfants ainsi que la date à laquelle le décret est intervenu, il ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de leur vie privée.
La demande d’annulation pour excès de pouvoir du décret est donc rejetée.